Nous sommes dans une cour de récréation d’une ancienne école abandonnée où des jouets délabrés jonchent le sol. Cette cour a été transformée en zone de campement à la limite d’une frontière.
Cette dernière sert à protéger « l’Ile de la civilité » qui a l’énorme privilège d’être épargnée des impacts considérables du dérèglement climatique et qui, du même coup, est très convoitée pour sa douceur de vivre.
Un militaire attend sur cette île, les ordres de son supérieur, le « commandeur » comme il l’appelle.
Ce militaire adhère sans retenue au discours du commandeur, et lui obéit avec un empressement exemplaire.
C’est normal, il fait son métier. Il est là pour sécuriser. Il contrôle et trie aussi puisqu’il doit laisser passer quelques personnes selon des critères précis. Il y a tellement de monde qui veut rejoindre cette île épargnée des fureurs de la nature !
Ainsi chaque chose a sa place. Chaque limite est posée. Tout est normal, immuable…L’éternité est assurée.
Seulement voilà…
Dans sa solitude, notre tranquille et obéissant militaire se fissure.

Il « prend des allures » de femme quand il réalise que ces migrants sont des enfants, aussi jeunes que son fils parti depuis huit années.
Il tremble quand il comprend que l’ile de la Civilité est finalement, elle aussi, impactée par la fonte de la banquise, jusqu’à se défigurer, engloutie sous un amas de boue.
Peu à peu, on comprend alors :
Que cet homme est probablement une femme (Ce n’est pas sûr mais peut-être ?).
Que ces migrants sont probablement des enfants.
Que cette île de la Civilité est probablement impactée par le dérèglement climatique.
Tous ces constats s’opposent aux « discours » qui nourrissent ces certitudes et ces convictions vont prendre « du plomb dans l’aile ».
Face à l’engloutissement de l’île, il ne restera plus à notre militaire qu’une seule solution ; cesser d’obéir, cesser de trier, pour rejoindre le flot de ces petits enfants qui continuent d’avancer courageusement, faisant face inébranlablement au défi de ce dérèglement climatique.
Aussi vulnérable que ces mômes, son habit de militaire ne lui servant plus à rien, il ne lui reste plus, en effet, qu’à se sauver et devenir le migrant de demain.
Ces enfants du crépuscule, comme les appelle « notre petit soldat », qui sont les gardiens de cet éternel commencement, l’obligeront à démolir cette vieille frontière imbécile, aussi fragile qu’une feuille de papier dans laquelle iel s’est laissé(e) enfermer.
Au lieu de leur crier dessus, notre militaire apprendra à saluer ses enfants du crépuscule, subitement conscient(e) que ce sont ces enfants qui lui apprendront le chemin à suivre.
Une transmission inversée !

Auteur, metteur en scène et interprète : Chantal Lebaillif
Création lumières : Jacques Duvergé
Scénographie : Stéphanie Laurent
Musique : Francis Courtot