La Verrière, ville participative
Ci-dessous, article paru dans le Prim'ver 101
Dans un sondage de 2017*, 67 % des Français répondaient ne plus avoir confiance en leurs institutions. Seuls élus épargnés, les élus de proximités comme les maires qui gardent la confiance d’une majorité de leurs concitoyens même si leur popularité est aussi en baisse depuis quelques années. On ne peut donc pas faire abstraction de cette défiance que corrobore le taux d’abstention record aux différentes élections et qui devrait pousser nos représentants à s’interroger. Le simple fait d’avoir été élus, leur permet-il de continuer de diriger verticalement, sans associer les habitants ? À La Verrière, et c’est le cas dans d’autres communes, la réponse est clairement Non. Et il ne s’agit pas que d’une réponse de principe. Co-construire est un gage de démocratie et d’efficacité. C’est ce que défend Patrick Norynberg , formateur-consultant, chercheur et essayiste sur la Ville, la Démocratie la Citoyenneté. Il intervient actuellement à La Verrière dans le cadre de la concertation sur le projet de Rénovation Urbaine du Bois de l’Étang et répond aux questions de ce dossier. Il publiera début 2019 un nouveau livre où il sera aussi question du travail réalisé dans notre ville.
Contenu
Il y a un impératif à faire avec les gens,
On ne peut pas se contenter de la démocratie représentative
Il y a un impératif à faire avec les habitants et pas seulement pour eux. Cela vaut localement et nationalement. Avec les taux d’abstention actuels, on ne peut pas se contenter des élections. Par ailleurs, entre le moment où les représentants sont élus et le moment où les projets se réalisent, il se passe parfois beaucoup de temps et les choses évoluent… il est alors important de revenir vers les habitants, de les réinterroger… La représentativité reste relative comme la délégation de pouvoir. Elles ont des travers, notamment celui de laisser faire les autres à sa place. Or, être acteur de sa vie, de sa ville c’est fondamental. Il n’est pas satisfaisant que des minorités décident pour les autres.
La démocratie authentique,
C’est long, parfois compliqué mais toujours efficace
Evidemment c’est difficile. Les gens qui s’abstiennent aux élections, sont souvent les mêmes qui ne viennent pas aux réunions. En tous cas ce sont pour les mêmes causes. Ils pensent que « ça ne sert à rien, c’est déjà décidé, on ne nous interroge pas sur l’essentiel… » Et ils ont souvent raison. Il appartient donc aux institutions de recréer les conditions de la confiance et cela passe par le fait de redonner véritablement le pouvoir aux habitants et de mieux le partager. C’est donc un processus long et parfois compliqué mais si l’on veut que les choses avancent, il faut faire authentiquement avec les gens, y compris ceux qui sont désabusés et les plus éloignés de la chose publique, ce que j’appelle les invisibles. Dans notre société de l’immédiateté, de la consommation à outrance, du chacun pour soi, passer à la co construction collective, c’est un vrai défi.
Redonner du pouvoir aux habitants,
C’est d’abord informer et accepter leurs idées
Il faut d’abord informer correctement les habitants, leur donner les outils et les connaissances nécessaires pour participer au débat. Pas de démocratie sans information partagée ! C’est une démarche d’éducation populaire. Ce n’est pas pour rien que dans la continuité de l’instauration de la République en 1792, on a rendu l’instruction obligatoire. Pour que les citoyens soient auteur, acteurs et responsables, il faut qu’ils soient éclairés et qu’on leur donne envie de s’interroger, de s’exprimer. Le moment venu chacun peut faire des choix éclairés pour soi-même et pour la société.
Mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi et surtout que les institutions et les professionnels entendent et considèrent ce que les habitants apportent dans le débat. On a tous à apporter et ainsi : 1+1=3 ! L’intelligence collective a du sens « Seul on va vite, collectivement on va plus loin. » Est-ce qu’un maire est capable de faire ce qu’il n’a pas décidé ? Toute la question est là. Les élus et tous les décideurs qui ont du pouvoir doivent accepter de se mettre dans cette posture.
La démocratie participative n’est pas qu’un principe
C’est un gage d’efficacité
L’expérience prouve que la démocratie participative peut être efficace. Evidemment il y a encore du chemin à faire du coté des initiatives citoyennes et de la loi. Mais désormais depuis 2014 on peut, par exemple, compter sur les conseils citoyens dans les quartiers en politique de la ville. Ça fait bouger les lignes. Leurs membres doivent obligatoirement être tenus informés, participer aux réunions de pilotage, faire des propositions...
Dans les grandes villes, les conseils de quartiers sont obligatoires depuis 2002. Evidemment, parfois, les élus y ont une place trop importante, mais certaines villes font le choix d’encourager la parole et les initiatives des citoyens dans ces instances.
Autre exemple, sur les grands projets d’aménagement, la circulaire d’aout 2016 avec sa charte du débat public a permis de fixer les règles du débat public par rapport aux questions environnementales ; désormais, dans des cas comme le projet de barrage de Sievens, ou celui de l’aéroport de Notre Dame des Landes, les débats publics devront être organisés très en amont, avec des règles précises et des impératifs de transparence. Ces nouvelles méthodes de travail supposent que tout puisse être dit par tous les acteurs.
Evidemment on ne peut être acteur partout, on fait des choix et on fait sa part
Tout cela est long et méticuleux à mettre en place. On n’aura jamais tout le monde dans des réunions publiques, des concertations…, il faut l’accepter tout en cherchant toujours à toucher le plus grand nombre. Mais à nous tous de nous dire que nous faisons notre part. C’est l’histoire du colibri*. En démocratie participative, on prend part au débat, à l’action… à hauteur de ce que l’on peut faire, du temps que l’on a, de l’intérêt que l’on a pour tel ou tel sujet à tel moment de sa vie… On parle souvent du vivre ensemble mais on peut vivre ensemble les uns à côtés des autres sans jamais se parler et agir collectivement. C’est quand on fait ensemble que les choses changent, qu’on apprend à se connaitre et se respecter, qu’on a moins la crainte de l’autre. C’est dans l’action que les liens se créent entre les habitants, les élus, les professionnels… C’est une véritable démarche d’éducation, à la fois populaire et mutuelle.